Luca de Meo quitte Renault : Un départ qui ébranle le constructeur français
Le groupe Renault a officialisé ce dimanche le départ de son directeur général Luca de Meo, qui quittera ses fonctions le 15 juillet prochain. Cette annonce inattendue intervient après cinq années à la tête du constructeur automobile français, période durant laquelle l'industriel italien a orchestré un redressement spectaculaire de la marque au losange. Alors que le cours de l'action Renault plonge en Bourse, cette décision soulève de nombreuses questions sur l'avenir du groupe et les motivations de ce départ soudain.

Luca de Meo, directeur général de Renault Group depuis juillet 2020, quittera ses fonctions le 15 juillet 2025.
Qui est Luca de Meo : Un parcours d'excellence dans l'automobile
Arrivé officiellement chez Renault en juillet 2020, Luca de Meo a pris les commandes d'un groupe en grande difficulté. Le constructeur français venait alors d'accuser une perte historique de 8 milliards d'euros et peinait à se remettre de l'affaire Carlos Ghosn. À 58 ans, cet Italien polyglotte bénéficiait déjà d'une solide réputation dans l'industrie automobile, forgée notamment chez Fiat, Toyota Europe, puis au sein du groupe Volkswagen où il avait brillamment redressé la marque SEAT.
Dès son arrivée, Luca de Meo avait promis aux actionnaires qu'il réaliserait "l'un des plus grands redressements de l'histoire du secteur automobile". Un engagement qu'il a tenu en déployant son plan stratégique "Renaulution", initié début 2021, qui a permis d'assainir considérablement les fondamentaux financiers du constructeur.

Présentation du plan stratégique "Renaulution" qui a transformé Renault Group sous la direction de Luca de Meo.
"J'ai décidé qu'il était temps pour moi de passer le relais. Je quitte une entreprise transformée, tournée vers l'avenir, afin de mettre mon expérience au service d'autres secteurs et de vivre d'autres aventures."
Bilan de son mandat : Un redressement spectaculaire
En cinq ans à la tête de Renault, Luca de Meo a profondément transformé le groupe. Sa stratégie s'est articulée autour de plusieurs axes majeurs : réorientation de l'offre vers le segment C (monospaces compacts) plus rentable que le segment B (citadines), recentrage des ventes vers les canaux les plus profitables comme les particuliers, et réduction drastique des coûts fixes.
Cette stratégie a porté ses fruits, comme en témoignent les chiffres. D'une marge opérationnelle négative en 2020, Renault est passé à un taux record de 7,9% en 2023, maintenu à 7,6% en 2024. Le cours de Bourse a doublé depuis l'arrivée de Luca de Meo, passant de 22,6 euros à 43 euros (avant l'annonce de son départ), surperformant ainsi le CAC 40 (+56% sur la même période).

Évolution de la marge opérationnelle de Renault Group entre 2020 et 2025.
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S'inscrire à la newsletterLes raisons du départ de Luca de Meo
L'annonce du départ de Luca de Meo a pris de court la direction de Renault, l'État actionnaire (qui détient 15% du capital) et les observateurs du secteur. Si le communiqué officiel évoque sobrement une "décision de quitter ses fonctions afin de relever de nouveaux défis en dehors du secteur automobile", plusieurs hypothèses circulent quant aux véritables motivations de ce départ inattendu.

Les relations entre Luca de Meo, la direction de Renault et l'État actionnaire auraient pu se tendre ces derniers mois.
Hypothèses officielles
- Volonté de relever de nouveaux défis professionnels
- Opportunité exceptionnelle dans un autre secteur (groupe Kering)
- Mission de redressement accomplie chez Renault
- Désir d'explorer d'autres industries après une longue carrière dans l'automobile
Hypothèses non officielles
- Frustrations face aux contraintes imposées par l'État actionnaire
- Désaccords sur la stratégie électrique et les investissements futurs
- Critiques récurrentes sur sa rémunération jugée "excessive"
- Tensions concernant les partenariats stratégiques, notamment avec Geely
Selon certaines sources proches du dossier, Luca de Meo n'aurait jamais digéré les critiques d'une partie de la classe politique envers ses émoluments, jugés indécents malgré des résultats probants. D'autres évoquent des désaccords stratégiques avec l'État actionnaire, notamment concernant le développement du véhicule électrique et les aides publiques associées.
Une source du ministère des Armées a même évoqué que la volonté du gouvernement français "d'obliger" Renault à fabriquer des drones de guerre en Ukraine aurait pu constituer "la goutte d'eau ayant fait déborder le vase" des frustrations de Luca de Meo. Ces informations restent toutefois à confirmer.

Luca de Meo présentant les résultats financiers de Renault, un exercice qu'il maîtrisait parfaitement.
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Impact sur Renault : Un avenir incertain
L'annonce du départ de Luca de Meo a eu un impact immédiat sur le cours de l'action Renault, qui a chuté de 8,69% dès l'ouverture de la Bourse de Paris lundi matin. Cette réaction traduit l'inquiétude des investisseurs face à ce départ inattendu, d'autant qu'il survient quelques mois seulement après celui du directeur financier Thierry Piéton.

Évolution du cours de l'action Renault suite à l'annonce du départ de Luca de Meo (-8,69%).
Comme le résume Bernstein dans une note publiée lundi : "Le départ de Luca de Meo est sans équivoque un coup dur pour Renault". Oddo BHF abonde dans ce sens en soulignant que "ce départ constitue une (mauvaise) surprise et devrait bien évidemment peser sur le cours de Bourse de Renault, d'autant plus qu'il survient seulement quelques mois après le départ du directeur financier".
Quels sont les principaux défis pour le successeur de Luca de Meo ?
Le futur directeur général de Renault devra relever plusieurs défis majeurs :
- Poursuivre la mise en œuvre du futur plan stratégique "Futurama", dont la présentation est prévue pour fin 2025
- Maintenir la dynamique de redressement financier dans un contexte de ralentissement du marché
- Accélérer la transition électrique face à une concurrence de plus en plus féroce
- Gérer les relations avec l'État actionnaire et les partenaires stratégiques comme Nissan et Geely
- Développer la présence internationale du groupe, notamment en Chine et aux États-Unis où Renault reste peu présent

Le siège de Renault à Boulogne-Billancourt, où règne désormais l'incertitude quant à la future direction du groupe.
Au-delà de l'impact boursier, ce départ soulève des questions sur la capacité de Renault à poursuivre sa stratégie de transformation. Jefferies souligne notamment que "son départ laisse Renault sans dirigeant à un moment où le groupe doit communiquer un nouveau plan stratégique et poursuivre le détricotage de l'alliance avec Nissan". Le bureau d'études ajoute que ce départ "ajoutera aux préoccupations concernant la capacité de Renault à être indépendant" face à "l'influence croissante de Geely en tant qu'investisseur minoritaire et l'ingérence renouvelée de l'État français".
Point clé : Le Conseil d'Administration de Renault a "lancé le processus de désignation d'un nouveau directeur général sur la base du plan de succession déjà défini", selon le communiqué officiel du groupe.
La question de la succession
La succession de Luca de Meo s'annonce comme un défi majeur pour Renault. Plusieurs noms circulent déjà pour prendre la relève à la tête du constructeur français.
Candidat potentiel | Poste actuel | Atouts | Probabilité |
Denis Le Vot | Directeur général de Dacia | Entré chez Renault en 1990, succès remarquable chez Dacia | Élevée |
Josep Maria Recasens | Directeur général d'Ampere | Responsable de la stratégie depuis 2021, expertise électrique | Moyenne |
Thierry Piéton | Ex-directeur financier (Medtronic) | Connaissance approfondie des finances du groupe | Faible |
Maxime Picat | Ex-Stellantis | Excellente réputation dans l'industrie | Moyenne |
Oddo BHF estime que Denis Le Vot, actuel directeur général de Dacia, semble "un candidat naturel compte tenu à la fois de son parcours et de ses succès chez Dacia". Le courtier évoque également Josep Maria Recasens, responsable de la stratégie du constructeur depuis 2021 et récemment nommé directeur général d'Ampere.

Denis Le Vot, actuel directeur général de Dacia, figure parmi les favoris pour succéder à Luca de Meo.
Quel avenir pour Luca de Meo ?
Si le communiqué de Renault indique simplement que Luca de Meo quitte le groupe "afin de relever de nouveaux défis en dehors du secteur automobile", plusieurs sources, dont Le Figaro, affirment que l'industriel italien s'apprêterait à prendre la tête du groupe de luxe Kering, propriétaire notamment des marques Gucci, Saint Laurent et Balenciaga.

Le siège de Kering à Paris, groupe de luxe que pourrait rejoindre Luca de Meo selon plusieurs sources.
Ce changement radical de secteur peut surprendre, mais les compétences de Luca de Meo en matière de gestion de marques premium et de redressement d'entreprises en difficulté pourraient s'avérer précieuses pour Kering, qui traverse actuellement une période difficile, notamment avec sa marque phare Gucci.
Contacté par BFM Business, le groupe de luxe n'a pas souhaité faire de commentaire sur cette information. Si elle se confirme, cette nomination marquerait un tournant dans la carrière de Luca de Meo, qui a passé l'essentiel de sa vie professionnelle dans l'industrie automobile.

Luca de Meo pourrait mettre son expertise au service du secteur du luxe, un univers très différent de l'automobile.
À noter : Ce ne serait pas la première fois qu'un dirigeant de l'automobile rejoint le secteur du luxe. En 2022, Leena Nair, ancienne directrice des ressources humaines d'Unilever, avait été nommée directrice générale de Chanel, tandis que l'ancien patron de Tiffany, Alessandro Bogliolo, venait du groupe Ferrari.
Conclusion : Une page se tourne pour Renault
Le départ de Luca de Meo marque indéniablement la fin d'une ère pour Renault. En cinq ans, l'industriel italien aura réussi à redresser un groupe en grande difficulté, lui redonnant une santé financière et une direction stratégique claires. Comme le souligne Jefferies, "son enthousiasme nous manquera. Nous lui attribuons le mérite d'avoir redonné de la 'couleur', de l'énergie et des résultats optimaux à Renault après des années de produits et de résultats financiers médiocres".

Luca de Meo laisse derrière lui un groupe transformé et une gamme de véhicules renouvelée.
Pour Renault, l'enjeu est désormais de maintenir cette dynamique positive malgré le départ de son architecte. Le choix du successeur sera crucial pour poursuivre la transformation du groupe et relever les nombreux défis qui l'attendent : accélération de l'électrification, développement international, évolution de l'Alliance avec Nissan, et adaptation à un marché automobile en pleine mutation.
Quant à Luca de Meo, s'il confirme son arrivée à la tête de Kering, il devra démontrer que ses talents de manager peuvent s'appliquer avec la même efficacité dans un secteur très différent de l'automobile. Un nouveau défi à la hauteur de cet industriel reconnu pour son sens du produit et sa vision stratégique.
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